COVID19 et école à distance: quel(s) enseignement(s) pour les sciences ?

Un dispositif de formation encourage la métaréflexion

Sur ce dernier aspect, nous n’avons pas de retour direct des élèves — il aurait fallu pour cela leur demander de tenir un « journal réflexif » de leur EàD. Pour les enseignants par contre, l’aventure de l’EàD a nourri leur réflexion sur plusieurs points dont en voici deux : la question de l’autonomie des élèves et l’impact de l’EàD sur les inégalités

Autonomie :

L’EàD a donné de nouvelles responsabilités aux élèves : pour les élèves responsables, l’école en ligne permet une certaine autonomie qui peut leur être bénéfique. J’ai en tête l’exemple de plusieurs filles de mes classes de 3DF qui, alors qu’elles étaient assez effacées en classe, ont participé activement au cours en ligne et ont eu des résultats plus encourageants que ce qu’elles avaient en classe. Cette perte de contact d’élève à élève peut donc être profitable à certains parce que la compétition et la comparaison entre pairs n’existent plus.

Parfois, l’organisation de l’enseignement évolue en ce sens : j’ai d’ailleurs plus varié les types d’activités, utilisant de nombreuses animations et vidéos en remplacement des démonstrations en classe et laissant une grande autonomie aux élèves

Cependant, la majorité des enseignant-e-s ont construit leur dispositif autour de tâches individuelles. Une des conséquences de ce choix est la lourde charge de travail représenté par la rédaction des commentaires, parfois proche d’un tutorat individuel. Une autre conséquence de ce choix est qu’en général, aucun élève ne pouvant voir le travail d’un camarade, cela limitait les interactions sociales entre les élèves et les isolait un peu plus.

Un témoignage évoque un travail nécessitant ouvertement autonomie et prises de décision chez les élèves : durant cette période, je leur ai proposé de faire un projet en autonomie complète avec des documents et des séances à distance. Je leur ai proposé trois sujets sur lesquels ils devaient s’inscrire. Précisons qu’il s’agit d’un cours de démarche expérimentale dans lequel le travail de groupe est la règle. Ce choix qui pouvait paraître peu adapté aux conditions de l’EàD s’est révélé positif : certains élèves étant complètement dans l’appui sur les autres élèves ont été obligés de se prendre en main et j’ai assisté à de nombreuses surprises chez mes élèves. La qualité des travaux a augmenté avec la distance. Ayant peu de moyens directs de les aider, les élèves ont dû être autonomes vis-à-vis des savoirs et utiliser le guidage à distance.

En classe, les élèves consultent leurs camarades, discutent de leurs copies, se donnent des conseils. Dans le contexte du travail à distance, le groupe d’apprenants est une ressource d’entraide importante. Si le dispositif de formation mis en place le permet et l’encourage, une part importante des interactions, des commentaires et même de l’évaluation peuvent reposer sur le groupe et alléger le travail de l’enseignant-e-s. Des outils qui permettent de socialiser l’apprentissage existent : ce sont par exemple les wikis, forum, sondage et autres lieux de commentaires publics.

Liens sociaux et désengagement

Plusieurs témoignages expriment le risque de décrochage important des élèves, liés à la diminution des rapports humains : l’école en ligne présente un danger de décrochage important. Les élèves du cycle qui ont plus besoin de cette relation avec l’enseignant. L’EàD augmente encore ce risque :ces cas de désengagement posent d’autant plus de difficultés dans ce contexte d’école en ligne. Pour une personne, l’EàD creuse le fossé entre les élèves : comme je m’en doutais, l’école en ligne accroît les différences sociales. Il est parfois difficile pour les élèves de suivre les cours à distance à cause de leur environnement familial.

Le rôle de l’encadrement familial est souligné : je trouve que l’EEL accentue encore plus les inégalités scolaires. Les élèves qui ont les parents derrière eux sont bien plus présents sur Classroom et rendent les devoirs dans les temps. J’ai des élèves avec qui je n’ai plus aucun contact depuis la fermeture des écoles. Ils sont absents des réunions MEET, injoignables par email ou téléphone. Comme beaucoup d’autres, je m’inquiète des conséquences de cette période de crise sanitaire sur le devenir scolaire de ces « décrocheurs » numériques. 

Le lien social est énoncé comme une condition importante de l’apprentissage : au-delà des possibilités qu’offre la technologie, il n’en reste pas moins qu’en raison de notre condition humaine, nous aurons toujours besoin d’un contact, d’un lien social pour pouvoir nous développer au mieux et pour notre équilibre mental aussi. C’est particulièrement vrai pour l’apprentissage qui ne pourra se faire dans des conditions optimales que dans un environnement rassurant et l’existence de rapports humains bien réels.

On s’aperçoit avec ce dernier extrait que le lien social ne se limite pas au lien professeur-élève.

C’est en effet une évidence que les élèves ont été privés d’interactions sociales directes avec leurs camarades, à la suite de la fermeture des écoles. Le passage brutal à l’enseignement à distance a sensibilisé les enseignants à certaines conditions : l’absence de contact a pour conséquence une diminution de l’investissement émotionnel chez les élèves.

C’est à l’enseignant-e que revient la responsabilité de prévoir dans son dispositif des possibilités d’interactions sociales entre les élèves et proposer un environnement d’apprentissage qui compense leur diminution par rapport à la situation de classe. Autrement dit : après avoir médiatisé le contenu, il est nécessaire de médiatiser la relation pédagogique. Pour illustrer cela, je vais partir du modèle de la classe inversée évoqué par plusieurs personnes. Dans une version de ce modèle, l’élève est amené à visionner en devoir la vidéo d’une présentation théorique avec la tâche de produire un résumé pour préparer la leçon prochaine. Le contenu est médiatisé par une capsule vidéo et est complété par la tâche de produire un résumé. L’institutionnalisation des connaissances s’effectue ensuite collectivement lors du retour en classe, autour de certaines activités.

Dans le contexte de l’enseignement à distance, la tâche peut être socialisée par un forum : chaque élève poste son résumé dans le forum (forum Q&R dans Moodle). Une fois le résumé posté, l’élève sera en mesure de lire les contributions des autres camarades (pas avant), commenter et désigner ce qui lui semble être le meilleur résumé. L’enseignant peut ensuite valider le choix collectif et mettre en valeur les bons textes.

L’exemple proposé peut être utilisé dans le cadre d’un enseignement en présentiel. Si la pratique est acceptée et ancrée dans la classe, alors sa transposition dans un enseignement à distance en sera grandement facilitée.

Enseignant en biologie au secondaire II depuis .... pffff... longtemps. Formateur MiTic en science ( SEM Formation / IUFE Uni Genève)

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